Terres soulaliyates : un trésor équivalent à 90% du PIB national

Imaginez un pays qui représenterait, en superficie, le cinquième du Maroc. Imaginez que ce même pays constituerait, de par son foncier, un énorme gisement de projets à même de générer des milliards de dirhams en termes d’investissements et de revenus. N’imaginez plus ! Car ce pays, s’il n’existe pas à proprement parler, dispose toutefois de toutes les caractéristiques des terres soulaliyates qui, elles, sont bel et bien disséminées dans les quatre coins du Royaume.
On le sait, les terres soulaliyates, beaucoup en ont profité, qu’il s’agisse de personnes ou d’institutions publiques. Mais, avec l’actualisation de la réglementation de ce secteur et son cadrage, à travers la publication de trois textes de loi et nombre de décrets et de circulaires, le processus d’investissement s’est considérablement amélioré. Si bien qu’ils sont plusieurs particuliers à avoir répondu aux appels d’offres lancés par le ministère de l’Intérieur, selon un cahier des charges précis, et se sont vus attribuer des lots de terres, ici et là, pour lancer leurs projets agricoles ou autres.
La location n’est pas le seul moyen de bénéficier de ces terres. L’acquisition est également possible mais elle reste surtout le fait de grandes institutions publiques, comme Al Omrane, l’OCP, les collectivités territoriales et les domaines de l’État. L’aménageur Al Omrane, par exemple, a acquis des terrains urbains et péri-urbains notamment pour réaliser sa mission principale, assignée par les pouvoirs publics: lutter contre l’habitat insalubre, anticiper les besoins en termes de viabilisation du foncier pour le mettre à la disposition des promoteurs, construire des logements pour faire face à l’exode rural…

Coup de boost royal
C’est la Direction des affaires rurales (DAR), entité relevant du ministère de l’Intérieur, qui est en charge des appels d’offres. Et il faut dire qu’elle ne chôme pas…
Sur tout le Maroc, «la superficie totale des terres collectives est estimée à 15 millions d’hectares et est répartie sur 60 provinces et préfectures. En l’espace de 5 ans, la DAR a réussi à immatriculer cinq millions d’hectares auprès de la Conservation foncière, soit le tiers de la superficie totale. Il reste encore 9,5 millions d’hectares qui sont en cours de délimitation administrative ou sous réquisition d’immatriculation foncière», expliquent les responsables de la DAR. Les 500 000 restants sont présumés collectifs. Autrement dit, recensés mais pas encore identifiés et donc ni immatriculés ni valorisés. Il faut savoir que le processus d’immatriculation ne date pas d’aujourd’hui, mais a connu une forte accélération depuis 2016, puisqu’avant cette date, seuls 500.000 ha avaient alors été enregistrés auprès de la Conservation foncière.

363 MDH de recettes locatives
Bien que les efforts aient été constants, on note cependant un coup de boost suite à la réorganisation de la DAR et surtout, au lendemain du discours du Roi Mohammed VI en 2016, insistant sur la mobilisation des terres agricoles soulaliyates pour la réalisation de projets d’investissement agricole. Actuellement, «135.000 ha sont loués, accueillant différents projets à vocation agricole, commerciale, touristique, ou exploités en tant que mines ou carrières, générant une valeur locative annuelle de 363 millions de dirhams», ajoutent nos sources. Sans surprise, 91% de la superficie (114.000 ha) ne concernent que des projets agricoles, pour des recettes locatives de 214 millions de dirhams. L’impact de ces projets sur le plan macroéconomique est indéniable. Il n’y a qu’à voir le coût d’investissement qu’ils ont nécessité ou encore le nombre d’emplois créés : si l’on ne s’en tient qu’aux projets agricoles, ces derniers ont cumulé une enveloppe budgétaire de 11 milliards de dirhams et créé 77 000 emplois.
Des réalisations en phase avec l’objectif d’améliorer le niveau de vie socioéconomique des citoyens et plus particulièrement des ayants droit, souhaité par le Roi. Parallèlement, 13.255 ha ont été cédés au profit de différents acteurs, pour une valeur de 2,8 milliards de dirhams. Y ont été établis des projets de stations-service, des hôtels, des carrières, des unités industrielles…

Plus de 2.000 projets créés
Les recettes engrangées tant par la location que par la cession de ces terres sont naturellement distribuées au profit des bénéficiaires, membres de ces collectivités, actuellement au nombre de 304 000, dont 187.000 hommes et 117.000 femmes. Celles-ci ont pu bénéficier des nouveautés apportées par la nouvelle réglementation, qui consacre un principe d’égalité et d’équité des genres, alors, qu’auparavant, les femmes étaient entièrement exclues. Et si certaines collectivités ethniques préfèrent être payées en argent sonnant et trébuchant qu’elles redistribuent auprès de leurs membres, d’autres optent plutôt pour la conversion de ces recettes en projets, surtout quand les membres se font nombreux et que la part de chacun est minime. Entre 2016 et 2021, un total de 2.005 projets et activités génératrices de revenus sont engagés au profit de 90.000 bénéficiaires et pour un montant de 1,4 milliard de dirhams. Ils se rapportent à des services à l’instar de l’électrification rurale, l’eau potable, les forages, le transport scolaire, les centres de santé, l’irrigation…
Résultat, tout le monde est gagnant dans cette opération. Les terres des membres des communautés soulaliyates sont immatriculées et leurs revenus assurés. Les investisseurs, eux, réalisent leurs projets, qui étaient auparavant confrontés au refus du financement bancaire, participent à la dynamique de développement du monde rural et contribuent à l’amélioration de leur niveau de vie. Mieux encore, ils bénéficient d’une égalité de traitement lors du lancement des appels d’offres, dès lors qu’ils répondent aux critères fixés par les cahiers des charges (voir encadré).

800.000 ha à immatriculer annuellement
«Un énorme travail reste à faire pour immatriculer les 9,5 millions d’hectares restants, sachant que le ministère de l’Intérieur s’est fixé un objectif de 800.000 ha à immatriculer chaque année», ajoute la DAR. Si l’identification des membres des terres soulaliyates représente l’une des tâches les plus complexes, la valorisation, elle, n’est pas en reste.
Les 15 millions d’hectares que constituent les terres ethniques représentent une valeur de 1.000 milliards de dirhams pour les terres collectives rurales. Ces terres sont d’une importance capitale pour le ministère de l’Intérieur, puisqu’elles devront contribuer à la mise en œuvre des différents programmes de l’État. Elles sont réparties à hauteur de 12,6 millions pour les terrains de parcours, 2 millions d’hectares pour les terrains agricoles (18% de la surface agricole utile) et 350 000 ha pour ceux situés dans les zones urbaines et péri-urbaines. Le reste des terres est constitué de forêts, de carrières et de mines.
En face, la valeur des terres du périmètre urbain et péri-urbain, elle, est estimée à 180 milliards de dirhams. Celles-ci représentent un potentiel important pour la réalisation de projets d’investissement dans plusieurs domaines d’activité.
Faites le calcul : 1.000 milliards de dirhams pour les terres collectives, auxquels s’ajoutent 180 de milliards de dirhams du périmètre urbain et péri-urbain, cela fait 1.180 milliards de dirhams, soit, tenez-vous bien, près de 90% du PIB du Maroc. On vous laisse imaginer l’impact que cela pourrait avoir sur le monde rural, et toutes les répercussions extrêmement bénéfiques sur l’économie du pays.

LEXIQUE
Qu’est-ce qu’une terre collective ?
Les terres collectives appartiennent collectivement à un groupement d’habitants faisant partie d’une même origine et descendant d’une même ethnie. Elles ont toujours été régies par des dahirs d’avant l’Indépendance et sont soumises à la tutelle du ministère de l’Intérieur. Au niveau de chaque collectivité, la gestion des terres revient à l’assemblée de délégués et à ses représentants, les nouabs.

62% de la population soulalya
Le nombre des collectivités ethniques propriétaires de ces terres s’élève à 4.600 et sont représentées par 7.085 nouabs. Le nombre total des collectivités ethniques recensées est de 2,3 millions dont 1,6 million d’hommes et 726.671 femmes. L’opération de recensement se poursuit par le ministère de l’Intérieur et il est envisageable d’atteindre 3,5 millions de membres.

Trois nouvelles lois adoptées
Elles ont constitué une refonte du système de gestion des terres collectives. La loi 62-17 relative à la tutelle administrative, la loi 63-17 sur leur délimitation administrative et la loi 64-17 sur celles situées dans les périmètres d’irrigation. La réforme a consacré le principe d’égalité entre hommes et femmes, assuré la sécurisation des biens fonciers et introduit les modalités de choix des représentants des communautés et leurs engagements.

 

Location des terres collectives, mode d’emploi
Les terres des collectivités ethniques sont louées à la suite d’un appel à concurrence, ou, le cas échéant, de gré à gré, sur la base d’un cahier des charges. Celui-ci impose plusieurs critères: disposer de la capacité technique, juridique et financière exigée, être en règle avec le fisc et présenter un ensemble de documents dont une déclaration sur l’honneur, une caution de garantie bancaire… L’intéressé peut soumissionner à plusieurs appels d’offres mais ne peut se voir accorder que deux lots de terrains. C’est l’autorité de tutelle qui précise le montant du loyer qui actuellement peut aller de 1.000 jusqu’à 7.000 DH/ha/an, selon les régions, avec une révision de 10% tous les 5 ans. Le contrat de location est conclu sur une durée de 40 ans, pour les projets d’implantation d’arbres, qu’ils disposent d’unités de valorisation ou non. Il est de 20 ans pour ceux liés à l’élevage et de 12 ans pour les cultures saisonnières et pour la culture des plantes aromatiques.

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